don't be afraid of the light that shines within you • Icare

La maison était simple, modeste, somme toute banale, mais elle semblait paisible et confortable. Fut une époque où elle était animée, quand résonnait encore les rires d’un enfant et qu’elle accueillait régulièrement des invités. Le silence régnait, désormais et seules les lumières indiquaient qu’elle était habitée. Aylan était le seul à s’y rendre, en dehors de ses propriétaires.

Il connaissait les pièces par cœur, pour y avoir habité la majorité de sa vie. Presque rien n’avait changé depuis son départ. Les mêmes cadres étaient accrochés, dépeignant une vie de famille heureuse. La photo d’un garçon souriant, avec un jouet à l'effigie d’Iron Man, qui avait bien grandi depuis. Une photo de mariage, d’un couple qui n’avait de marié plus que le statut légal. Un diplôme, dont le père de famille avait été particulièrement fier, mais qui n’avait plus servi depuis des années.

L’ensemble de la bâtisse était moins entretenu qu’avant, témoignant de la lassitude et du désintéressement probable de ses occupants. Le garçon avait vu ses parents sombrer dans la monotonie et la négligence, au fil des années, ceci n’en était qu’une preuve parmi tant d’autres.

Il ne pouvait se plaindre d’avoir eu une enfance heureuse, sans évènement notable – somme toute banale, on y revient. Il n’avait manqué ni d’amour, ni d’attention, seules les aventures rêvées par tout enfant ne répondaient pas à l’appel.

« Aylan ! Ça faisait longtemps qu’on ne t’avait pas vu. Tu viens de moins en moins souvent, » l’avait accueilli son père, dès son entrée dans la cuisine. La constatation était à la limite du reproche, mais il savait qu’il ne lui en tiendrait pas rigueur. Ses parents finiraient par lui trouver des excuses, plutôt qu’admettre qu’il préférait consacrer du temps à sa propre vie plutôt qu’aux leurs.

En fait, il se doutait qu’ils s’ennuyaient ferme et que la moindre de ses visites constituait une distraction bienvenue dans leur quotidien. Il avait quitté la maison parentale tôt, après tout, dès qu’il avait eu l’occasion de prendre son autonomie. Il s’était déjà fait remarquer comme modèle photo dans son adolescence et avait gagné en notoriété, au fil des années.
Aujourd’hui, il n’avait certes pas la renommée d’une star, mais il n’avait pas de difficulté à gagner sa vie.

L’homme lui proposa un verre – d’alcool, probablement, au vu de la bouteille trônant devant lui – qu’Aylan déclina d’un simple geste.

Son père avait été particulièrement actif dans sa jeunesse. Homme d'affaires prometteur, qui avait été détrôné par un plus jeune promoteur. Il s’était résigné à un poste ingrat qui le rendait amer, ce, jusqu’à finir par être licencié avec l’indifférence portée à un salarié dispensable.

« Maman n’est pas là ?

– Non, elle est partie traîner je sais pas où… C’est pas plus mal. Quand elle est là, on passe plus de temps à s’engueuler qu’autre chose.

– Si vous buviez moins, vous vous engueuleriez peut-être moins aussi. »

Autre raison pour laquelle il venait de moins en moins souvent : le jeune homme ne tenait pas à servir de psychologue de comptoir. Encore moins pour ses propres parents.

Sa mère, elle, n’avait jamais été particulièrement épanouie dans sa vie de travail, mais elle l’était en ménage. Du moins, l’avait-elle été jusqu’à ce que les habitudes enterrent les plaisirs de sa vie et que les années ravagent l’enthousiasme qui la caractérisait autrefois. Son mari s’était aigri. Son fils était parti. Elle n’avait plus grand chose à quoi se raccrocher, si ce n’était ce quotidien qu’elle menait.

Ils s’étaient laissé dépérir, aussi bien l’un que l’autre. Incapables de vivre ensemble, mais tout autant de vivre séparément. Malheureux dans leurs habitudes, mais trop angoissé par l’inconnu pour oser en sortir.

Icare ne leur en tenait pas rigueur. C’était assez triste, en réalité.
Il s’était promis de ne pas finir de la même manière, notamment parce qu’il ne pourrait supporter de s’enliser ainsi. Sa vie, pourtant, était relativement répétitive. Les shootings finissaient par tous se ressembler, les réseaux sociaux, s’ils pouvaient être amusants, devenaient lassants et les soirées au cours desquels il tuait son ennui étaient toutes les mêmes.

Chesterfield était définitivement ennuyant.

Les dés, alors, aussi inattendus qu'étranges, avaient été une bonne surprise.
Quand un Dicer lui avait proposé de jouer, il ne pouvait savoir dans quoi il s’embarquait, mais ça avait été sa plus grande chance. Désormais, il était déterminé à poursuivre la collecte des dés.
Et surtout, à jouer.