Ella ▬ From ashes to...

Une larme roule sur sa joue pâle jusqu’à se glisser dans le pli de ses lippes rosées. Elle laisse derrière son sillage une marque noirâtre, le vestige d’un trait supposé embellir son regard, qui lui semble à présent si inutile lorsque son reflet n’est qu’une ombre. Repoussant d’un doigt frêle la mèche épaisse qui lui couvre une bonne partie du visage, Ella dévoile l’hideuse vérité qu’elle s’efforce de dissimuler. Cet œil marqué d’une cicatrice souffre d’une ancienne brûlure qui, au contact d’un fin cheveu, lui provoque une grimace incontrôlée.

Dans ses années de jeune fleur naïve, la frustration aurait pris le dessus sur sa conscience et cette image monstrueuse se serait fait briser par un objet lancé au hasard. S’il n’avait rien eu sous la main, alors son poing lui aurait servi. Tout moyen est bon pour ne plus avoir à affronter cette cruelle vérité. Le dessin clair en forme étoilée sur le coin de sa paume en est la preuve.

La sagesse semblait venir avec l’âge.

Une main douce se pose sur son épaule, comme pour lui rappeler que le mérite ne lui revient pas entièrement - c’est l’une des rares choses qu’elle concède volontiers. Sa propre main vient se poser par-dessus la sienne, la serrant pour lui témoigner son affection, et sa gratitude de la savoir toujours près d’elle. À son écoute, envers et contre tout.

Abaissant ses paupières, Ellaria se laisse devenir une poupée entre les mains de sa bienfaitrice qui s’occupe de nettoyer les souillures d’un maquillage gâché par l’amertume. La courbe de ses lèvres persiste et, lorsque ses yeux indigo se dévoilent à nouveau, c’est comme si aucune négativité ne l’avait étreinte.

« N’aie pas peur de te montrer, » lui souffle la douce et sage voix derrière son épaule. « Que t’ai-je tant répété ? »

Des doigts se glissent délicatement entre ses mèches blondes. Ella se rencogne dans son siège, profitant du moment en soupirant de contentement. La douce fragrance de fleur commence à l’envelopper, comme dans un cocon délicat où le mot d’ordre est la sérénité. C’est exactement ce que cette dame des fleurs lui offre en permanence ; un endroit où il ne fait que bon vivre, avec un toit assuré au-dessus de sa tête, un emploi gratifiant pour l’empêcher de sombrer jusqu’à ce que son réel objectif soit atteint.

« Aiguise les armes que Mère nature t’a offert à la naissance, » répète Ellaria dans un souffle, la courbe de ses lippes se faisant plus douce.

Il lui est difficile de s’accrocher à ces mots en tout temps. Une petite voix persistante et sournoise continue de lui murmurer des horreurs indicibles inlassablement – cette belladone a laissé ses baies mortelles au fin fond de son âme, elle n’a plus besoin d’être présente et d’user de sa voix empoisonnée pour faire effet sur la pauvre Ella.

« Et, surtout, n’oublie pas le plus important : ne sois pas comme elle. »

La poigne sur son épaule se raffermit, appuyant sur ses propos et leur importance. Les mots de cette dame des fleurs – qui, si son cœur n’était pas si fermé, saurait qu’elle est comme une mère à ses yeux – sont pareils à un océan d’antidote. Il ne lui en faut pas davantage pour que l’assurance brille à nouveau dans le bleu violacé de ses yeux et que la courbe de ses lèvres soit plus sincère.

« Tu as raison, comme toujours. Je ne devrais pas me laisser aller au désespoir, pas lorsque j’ai découvert un nouveau moyen de développer mon arsenal. »

Posé devant elle se trouve un bel objet brillant à six faces que son regard couve comme d’un trésor. L’hésitation a disparu lorsque ses doigts s’en saisisse et le fait rouler sur la surface face à son miroir. La partie ne fait que commencer.