[MINI-EVENT] MYSTÈRE

Certains appelaient ça le karma. Il ne fallait pas grand-chose pour qu’une succession d’événements positifs prenne fin brutalement. Une violente explosion, par exemple, alors qu’Asher avait décidé de passer près de cette prison qui devait bien héberger quelques criminels précipités derrière les barreaux par le fruit de son propre travail. Pourquoi était-il là, précisément à ce moment ? Est-ce qu’une telle question avait encore la moindre importance à ses yeux ? Non, bien sûr que non.

Les pompiers, la police, les médias, ils étaient déjà tous là pour opérer un balai plus ou moins rodé. Sauf Asher, qui n’était pas en service, mais à qui la chance avait esquissé un sourire dans son malheur. Il avait été surpris, bien sûr, mais était resté entier et en pleine forme. C’était amplement suffisant.

Un regard balayant l’environnement tandis qu’il patientait quiètement, familier de ce genre de procédure, trop tranquille, sans doute, pour tout le bordel que l’événement avait engendré. Son premier réflexe, observer ce qui l’entourait ; plus précisément, ceux qui, comme lui, n’avaient, en théorie, rien à faire dans le coin, sans chercher à clamer haut et fort qu’il était de la police lui aussi. Non, ça, ça attendrait encore un peu.

En service ou pas, un flic restait un flic, avec l’envie de se mêler de ce qui ne le regardait pas quand cela s’annonçait particulièrement intéressant.

Quelque chose avait attiré son attention. L’inspecteur se tenait immobile, à l’affût, curieux et à présent hésitant, les yeux fixés pendant plusieurs secondes dans une direction, faisant fi des regards dont il pouvait bien être le centre d’attention. Etait-ce lié à aux événements ou bien un simple élément parasite ? Autrement dit, est-ce que cela méritait une investigation ?

Asher n’eut toutefois pas le loisir de trouver une réponse à sa propre interrogation puisqu’une journaliste s’approcha de lui pour déverser tout un flot de questions à son encontre. C’était donc sur lui qu’elle avait choisi de planter ses crocs de sangsue...

Il lui jeta à peine un coup d’oeil avant de lancer, suite à sa tirade, sur un ton incisif :

- Vos sources sont-elles aussi fiables que ces rumeurs ?

Une simple phrase pour balayer toutes les interrogations qu’on venait de lui soumettre. Une autre pour lui rappeler qu’elle n’avait pas de passe-droit :

- On risque de vous interdire le périmètre si vous continuez.

Un nouveau coup d’oeil circulaire avisant le commissaire et l’inspectrice qui se trouvait à ses côtés, le principe que son relatif anonymat venait d’être brisé, deux raisons qui poussèrent Asher à  s’avancer dans la direction de ces personnes en ignorant royalement celle qui était venue l’importuner. La journaliste n’était pas son problème, il n’avait jamais été fait pour gérer la presse.

Il avait déjà oublié cette journaliste en se rapprochant de l’inspectrice et de la jeune fille qui se trouvait près d’elle, leur adressant un simple signe de tête en guise de salut, choisissant de reléguer au second plan ce qui avait pu l’intriguer quelques instants plus tôt. Dardant un regard à sa collègue puis à celle sur qui elle semblait veiller, Asher choisit de rester légèrement en retrait, partant du principe qu’avoir deux inspecteurs sur le dos de la pauvre âme dont elle s’occupait leur serait sans doute plus négatif qu’autre chose et qu’il n’avait aucune raison de supplanter l’inspectrice. Inutile d’effrayer cette gamine plus qu’elle ne l’était déjà.

Il y en avait d’autres, des gens qui avaient été présents au mauvais moment, au mauvais endroit, comme elle - et même comme lui, en fait -, spectateurs d’une scène qu’ils n’auraient sans doute jamais souhaité voir. Mais aux yeux du trentenaire, ils étaient autant des innocents que des suspects. Autant d’honnêtes gens que des menteurs, susceptibles de les aider ou non dans leur enquête.

Mutique, flegmatique mais méfiant, Asher décida de jeter un oeil en direction des témoins depuis sa position pour les observer. (90)

Ses yeux parcouraient les différentes silhouettes qui attendaient. Puis ils en croisèrent d’autres, ornant un visage qui, malgré les événements, lui souriait.

Les frissons qui parcoururent l’échine de l’inspecteur face à ce sourire avaient tout du mauvais pressentiment et furent amplifiés lorsque cet inconnu s’amusa à mimer quelque chose avec l’un de ses doigts avant de s’évanouir dans la nature.

Droite. Gauche. Un métronome, ou une aiguille, outil régulier dans sa mesure du temps. Tic. Tac. Ce bruit parasitaire mais régulier... Un décompte. Un décompte mortel.

La crainte vint habiller son regard mais l’affolement ne chercha à prendre possession de sa gorge. Il aurait pu, s’éloigner sans rien dire, se focaliser sur la traque d’un coupable dans les environs, et être le responsable de la possible mort d’individus si son flair ne le trompait pas. Sa décision fut tout autre, même si elle confinait possiblement, elle aussi, à un revers cuisant.

Il se tourna d’un bloc vers sa collègue et la jeune fille, trop troublé pour avoir prêté attention aux mots de cette dernière, avant de s’écrier à qui voulait l’entendre :

- Il y a une deuxième bombe ! Evacuez ! Maintenant !

Tant pis pour la panique que ses mots pouvaient engendrer. Le temps leur était compté. Lui-même obéirait à sa propre injonction, cherchant d’abord à s’assurer que les deux personnes les plus proches ne restaient pas sur place avant de leur emboîter le pas.

La déflagration fut monstrueuse. Ils étaient trop près, beaucoup trop près… Les vagues de flammes et de chaleur allaient les toucher, le souffle allait les cueillir. L’explosion aurait dû les frapper. En même pas un battement de cils, ils se retrouvaient éloignés et en sécurité, tous autant qu’ils étaient. Y compris Asher, qui resta tout bonnement sidéré devant ce retournement de situation inexplicable, à un cheveu d’avoir frôlé la mort.

Comment était-ce possible ? Que venait-il de se passer ? Reprenant peu à peu ses esprits, il secoua quelque peu la tête de gauche à droite. Non, ce n’étaient pas les questions qu’il devait se poser, là tout de suite. La priorité était de mettre le grappin sur les responsables de cette double explosion. Et lui avait en tête quelqu’un qui pouvait les conduire à eux, s’il n’en était pas directement un.

- On cherche un jeune homme. Cheveux cendrés. Il était parmi les témoins, lâcha-t-il à Eléanore.

L’homme avait été au principal au niveau des informations. Parce qu’il fallait faire vite, s’ils voulaient avoir l’ombre d’une chance de le retrouver. Il chercherait ensuite à se détacher de la foule de quelques mètres pour laisser son regard se balader tout autour de lui, à la recherche du moindre signe de cette chevelure singulière, d’une silhouette un peu trop suspecte, d’une cachette possible… en sachant qu’il avait plus de chance de faire chou blanc.

Asher pivotait, il tournait la tête, à droite, à gauche… Il cherchait, à l’angle de chaque recoin. Car ce jeune homme était la clé de tout cela, il en était persuadé. Mais force était de constater qu’il ne le trouvait pas. Où avait-il pu décamper ? Par quels moyens, aussi ? Avait-il eu le temps de monter dans une voiture, dans une rue adjacente ?

Une voix, près de lui, attira son attention. Une voix qui répondait à sa requête précédente, une voix qui correspondait à celle de la jeune témoin.

L’inspecteur jeta un coup d’oeil dans la direction qu’elle indiquait. Bon… c’était mieux que rien, sans doute. Parce que c’était bien tout ce qu’ils avaient, présentement, pour espérer retrouver les fautifs d’un tel trouble.

Alors il suivit l’injonction d’Eléanore sans broncher, sortant, lui aussi, son arme de service, fuyant cette scène désastreuse pour se mettre aux trousses de celui qu’ils recherchaient.